Vogue Italia – avril 2017 [Traduction]

L’intensité. « C’est un terme que j’aime beaucoup. Je m’intéresse aux gens qui sont sur le fil du rasoir, qui ont des névroses, qui s’essaient aux extrêmes. C’est pour cela que j’ai toujours choisi des personnages intenses, qui vous consument. J’aimerais les tenir à distance, ils sont tellement complexes, mais je suis inévitablement attirée vers eux. Mais c’est seulement lorsqu’il s’agit de scénarii et de films. Dans ma vraie vie, je suis capable de passer toute une après-midi à écouter de la musique popcorn. Nous sommes faits de contrastes. »

L’actrice britannique Keira Knightley refuse de parler de la nouvelle adaptation de « The Nutcracker and the Four Realms », le Casse-Noisette de Lasse Hallström produit par Disney, dans lequel elle interprète la Fée Dragée. La conversation dérive donc sur sa capacité à passer des films indépendants aux blockbusters hollywoodiens. « J’apprends beaucoup du travail que je fais, à chaque fois. Ce que j’aime dans le fait de jouer, c’est d’être capable de me concentrer sur les différences, sur la marge de vie non vécue entre moi et mon personnage. Plus il est éloigné de moi, plus je suis heureuse. Pour moi, les personnages sont des étrangers qu’on apprend à découvrir, et ils sont souvent guidés par une sorte de folie. Passer d’une énorme production Disney à une pub pour CHANEL, ou un rôle au théâtre pour lequel on vous paye une grosse somme d’argent, cela m’intéresse vraiment. Au final, je ne choisis que des histoires que j’aimerais aller voir en tant que simple spectatrice. »

Bon nombre de rôles qui l’ont rendue célèbre sont romantiques : Anna Karénine, Cecilia Tallis dans « Reviens-moi », Guenièvre dans « Le Roi Arthur » et, par-dessus tout, Elizabeth Bennet dans « Orgueil et préjugés ». Au fil de sa carrière, Keira a souvent combiné l’amour romantique avec une réalité physique dans laquelle le classique et le contemporain se mêlent afin de créer quelque chose de spécial, un mélange de sublimes imperfections. « Je n’ai pas conscience que mon corps ou mon visage sont peut-être particuliers précisément à cause de leurs défauts, mais je crois m’être toujours acceptée moi-même. Depuis l’enfance, la seule chose que je voulais, c’était jouer, et je crois qu’un quelconque intérêt pour mon apparence s’est retrouvé au second plan. J’ai commencé à six ans. Mon père était acteur, ma mère, dramaturge. Je passais chaque jour avec eux ; ils prenaient part à un théâtre hautement politique, qui tendait vers la gauche, et cela m’a façonnée. Lorsque vous êtes enfant, si les gens qui vous entourent croient que l’Art est un instrument du changement, alors c’est comme ça, vous ferez la même chose. »

Keira Knightley irradie constamment l’intensité et l’assurance, comme si ni son cœur ni son esprit ne prenaient le dessus l’un sur l’autre. Ainsi, lorsque ses deux nominations aux Oscars pour « Orgueil et préjugés » et « Imitation Game » sont mentionnées, elle rit et dit : « J’aimerais en remporter un, tôt ou tard. » Puis, elle se reprend et ajoute : « Mon unique ambition est de toujours trouver la chose qui me convienne, qui me représente et me fasse me sentir satisfaite. Même si j’étais couverte de nominations, je m’arrêterais si je ne me sentais pas pleinement consciente de ce que je fais. » Aujourd’hui, Keira est une mère qui n’a pas pu voir sa fille, Edie.

« Lorsque vous êtes parent, vous espérerez pouvoir prendre soin de votre enfant du mieux possible. Edie est petite, elle a un an et demi, et ce soir, je pourrais me tuer parce que je ne peux pas la voir. Parfois, c’est dur, parfois, un peu moins, d’être une mère et de faire ce métier. Il y a des semaines où je pense avoir bien géré, d’autres non, où je pense devoir changer quelque chose, mais heureusement, c’est une petite fille splendide, c’est le bon terme ; nous ne devons pas foirer avec elle. » Ce passage soudain au langage familier est véhément mais, en même temps, permet d’introduire du réalisme au sujet de l’élégance. « Je pense que la force est un élément très élégant. Les gens peu ordinaires sont élégants, ceux dont la conscience d’eux-même est telle qu’ils n’y prêtent pas du tout attention. Les gens qui s’habillent bien, sans pour autant se tenir devant un miroir toute la journée ; ils sont naturellement ainsi, tout simplement. »

Traduction © Admiring Keira Knightley. Reproduction interdite.