ELLE US – novembre 2018 [Traduction]

Keira Knightley sait qu’Hollywood n’est pas adaptée aux jeunes mères

Tandis qu’elle tournait la comédie romantique aujourd’hui tant aimée « Love Actually », en 2003, Keira Knightley, qui était à l’époque une actrice britannique prometteuse dont la participation gagnante à « Joue-la comme Beckham » a aidé à en faire un succès, confiait au réalisateur que son projet suivant était « un truc sur les pirates, probablement un désastre ». Malgré tout, « Pirates des Caraïbes : le Secret du Coffre Maudit » a engendré $650 millions. En 2008, après être apparue dans les deux suites, Knightley était une célébrité, et la seconde actrice la mieux payée d’Hollywood. Mais ce n’est que récemment qu’elle a commencé à demander un salaire en relation avec celui de ses partenaires masculins. « Ça ne m’avait même pas traversé l’esprit, explique Knightley, qui vit à Londres avec son époux, le musicien James Righton, et leur fille âgée de trois ans. C’était comme s’il s’agissait de quelque chose qu’on ne pouvait pas remettre en question. Mais je demande, maintenant, et je peux dire avec certitude que dans mes deux derniers films, je n’ai pas gagné moins que les hommes avec lesquels j’ai travaillé. »

Depuis « Pirates », Knightley est le plus souvent apparue dans des films indépendants, dont beaucoup de films d’époque, et a récolté deux nominations aux Oscars. On parle déjà d’une nomination pour son rôle principal dans le biopic « Colette », qui raconte la vie de l’auteur de la Belle Epoque au succès parisien, dont les écrits dans l’ombre de son mari ont conduit à ce qu’il reçoive tout le mérite. Colette était aussi une personne d’influence, un siècle avant l’avènement des réseaux sociaux, poussant de nombreuses parisiennes à façonner leur image afin de lui ressembler. Il s’agit, en d’autres termes, d’un film parfaitement adapté à notre époque.

Ce mois-ci, Knightley joue la Fée Dragée dans « Casse-Noisette et les quatre royaumes » de Disney ; au printemps prochain, elle sera au côté d’Alexander Skarsgård dans le drame d’après-guerre « The Aftermath », produit par Ridley Scott. Après cela ? « Mon prochain film sera réalisé par une femme, j’espère, dit-elle. Nous avons besoin que nos histoires soient racontées à travers nos propres yeux. »

Vous êtes devenue célèbre alors que vous n’aviez que 18 ans. Y a-t-il des aspects de cette expérience qui étaient difficiles pour vous, en tant que jeune femme ?

Oui. Les deux poids, deux mesures auxquels les femmes doivent faire face sont extrêmes, en particulier à cet âge. On s’attend à ce que les hommes se saoulent et tombent à la sortie des boîtes. Alors les gens disent : « Ouais, t’es cool ! » Mais si j’avais été perçue comme une fêtarde, ç’aurait pu signifier la fin de ma carrière. Nous vivons aussi dans une société qui envoie des messages incroyablement difficiles aux jeunes femmes. Vous devez être mince, mais pas trop. Vous êtes censée sortir et avoir des relations sexuelles, et ensuite, les gens disent : « Non, tu es une traînée ». Vous êtes toujours « trop » quelque chose. Ce qui est vraiment intéressant, avec Colette, c’est qu’elle transgressait toutes ces règles. Elle avait le sentiment qu’elle avait le droit de vivre sa vie de la manière qu’elle jugeait la bonne.

Elle semblait réellement apprécier sa célébrité. Est-ce qu’explorer cela fait partie de ce qui vous a attiré dans le film ?

C’était une créature étincelante comme un joyaux, qui prenait plaisir à jouer la provocation. J’adore cet esprit de rébellion. C’était une extravertie sans complexes, et j’apprécie cet aspect, parce que je suis introvertie. Je finis toujours par me cacher dans un coin. Mais j’aime observer les extravertis et les interpréter, parce que je les trouve fascinants.

L’une des choses que le film montre clairement, c’est que, malgré que les choses aient beaucoup changé pour les femmes, de bien des manières, elles sont toujours les mêmes.

Oui, c’est déprimant, en quelque sorte. Mais souvenez vous : au début des années 2000, tout le monde pensait que les femmes avaient déjà obtenu l’égalité. Au moins, on réalise qu’il y a du chemin à faire. Je trouve que c’est une bien meilleure chose que ce déni étrange.

Quels sont les différences, d’après vous, entre un réalisateur et une réalisatrice ?

Bien sûr, les hommes peuvent diriger les femmes avec beaucoup de talent, mais je trouve que, souvent, les narratrices femmes sont plus subtiles que les hommes. Et je pense que, souvent, leur travail est dévalorisé à cause de cette subtilité, et c’est ridicule. Il est aussi question de discrimination vis-à-vis de l’âge des réalisateurs : on veut des réalisatrices jeunes et sexy, mais pas nécessairement des réalisatrices d’âge mûr. Nous avons besoin de toutes ces voix. Nous devons aussi parler de la difficulté qu’ont les femmes à travailler en ayant des enfant en bas âge. Nous perdons des tas de femmes, parce qu’avec la manière dont fonctionne cette industrie, elles ne peuvent pas réaliser [des films] et avoir des enfants en même temps.

Vous avez parlé de votre souhait de voir les jeunes générations se sentir plus libres de faire des erreurs. Y a-t-il des erreurs que vous ayez commises, dont vous réalisez aujourd’hui qu’elles n’étaient pas si graves ?

Je crois que ma plus grande erreur, en réalité, a été d’essayer d’être parfaite. J’étais tellement persuadée qu’il existait un moyen de contenter tout le monde. Mais il y a une joie à trouver dans le fait de savoir que c’est impossible. Souvent, essayer de comprendre comment se relever à nouveau est la part la plus intéressante de votre vie.

Traduction © Admiring Keira Knightley. Reproduction interdite.